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À l'occasion de la séance plénière du Département de la Seine-Maritime du vendredi 22 novembre, le débat de politique départemental présenté par Marine Caron portait sur la lutte contre les violences faites aux femmes. Voici le discours prononcé par Marine Caron, vice-présidente en charge de l'arrondissement de Rouen et des Ressources Humaines. 

 

--- seul le prononcé fait foi ---

Monsieur le Président,
Chers collègues,

Avons-nous besoin d’une journée, d’une date, d’un moment préciser pour lutter, se battre, défendre une cause qui nous est chère ?

Le 4 février pour la journée mondiale contre le cancer ;
Le 8 mars pour la journée internationale des droits des femmes ;
Le 22 mai pour la journée internationale de la biodiversité ;
Le 19 août pour la journée mondiale de l’aide humanitaire ;
Et des centaines d’autres encore.

Il existe même une journée mondiale de la tortue (23 mai), des émojis (17 juillet), du café (1er octobre) ou du pain (16 octobre).

Mais la date qui nous intéresse aujourd’hui, est celle du 25 novembre : journée internationale pour l’élimination des violences à l’égard des femmes, cause pour laquelle Mme Lecordier s’investit tout particulièrement.

Le ruban blanc que vous avez accepté de porter trouve son origine au Canada en 1991, porté lors d’une campagne par les hommes désireux de contribuer à une société où les femmes ne sont plus victimes. A l’occasion de la 43ème cérémonie des César 2018, plus de 1700 personnes l’ont porté, une façon simple et silencieuse d’exprimer sa solidarité. Ce que nous faisons à notre tour aujourd’hui. 

Alors je repose la question : avons-nous besoin d’une journée ?
Notre responsabilité n’est-elle pas au contraire de porter ces combats tout au long de l’année, chaque jour et chaque minute ? Collectivement, notre réponse ne sera que oui.

Pour une seule et simple raison : c’est que les chiffres mondiaux parlent d’eux-mêmes : 
- Une femme sur trois est victime de violence au cours de sa vie
- Une fille mineure est mariée de force toute les 2 secondes, soit 40 000 par jour
- Plus d’un pays sur deux ne condamne pas le viol conjugal
- Plus de 125 millions de filles et de femmes vivent avec des séquelles de mutilations génitales

Et la France n’est pas épargnée… 

137, c’est le nombre de féminicides qui ont eu lieu depuis le début de l’année 2019 dans notre pays. Et je voudrai pour éclairer mes propos laisser défiler l’ensemble de ces noms à la lecture de tous.

En effet, une femme meurt en moyenne tous les deux jours sous les coups de son conjoint ou ex-conjoint ; un quart des violences ont lieu dans le contexte d’une séparation ; dans plus de 60% des cas, les violences ont commencé dès le début de la vie commune…

Comment ne pas penser à Johanna, poignardée à mort par son ex-conjoint devant une grande surface au Havre, le lundi 16 septembre dernier ? Ainsi qu’à la dernière victime en date, Marinette, 85 ans, abattue d’un coup de carabine 22 long rifle par son mari, jeudi dernier. 

Combien encore demain ? Et quel sera le total à la fin de l’année ?

Et, bien que nous l’évoquions moins souvent, n’oublions pas que les hommes sont également victimes de violences conjugales, environ 80 000 sont victimes physiques, psychologiques ou sexuels et le bilan mortuaire s’établit quant à lui à 28 pour l’année 2018. 

De même, ne mettons pas de côtés les enfants, victimes collatérales des violences au sein du couple. L’an passé, ces petites victimes étaient au nombre de 21 a avoir perdu la vie ! Mais que deviennent les enfants témoins des violences au sein du couple ? Malheureusement, les conséquences sont visibles, les effets sont durables et beaucoup sont redirigés vers des structures d’accueil type ASE. 

Cela ne peut plus durer !

Et justement, « Cela ne peut plus durer ! » : c’est par ces mots que le Gouvernement a lancé le 3 septembre 2019 le premier Grenelle contre les violences conjugales. 

Cet évènement majeur de concertation entre tous les acteurs (associations, collectivités, travailleurs sociaux, magistrats, victimes et familles) se déroule jusqu’au 25 pour déboucher sur des propositions concrètes d’actions en traitant le problème à sa racine.

Les violences conjugales n’ont pas de sexe, n’ont pas d’origines sociales ni géographiques, n’ont pas d’âge, mais leur impact est irrémédiable. 

En Seine-Maritime, nous n’avons pas attendu ce processus national pour agir.

Le 22 novembre 2018, lors de l’Assemblée Plénière départementale, nous avons voté en faveur du protocole départemental de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes 2019-2021 afin d’amplifier la mobilisation des acteurs locaux et de coordonner la prise en charge des victimes depuis leur premier jour d’accueil jusqu’à leur accompagnement vers une situation d’autonomie en termes de ressources et de logements.

Notre objectif est clair : face à la vulnérabilité des victimes, à leur culpabilité, face à la honte et au déni, l’enjeu des politiques publiques est d’assurer la prévention de ces situations mais aussi de permettre un meilleur accès aux droits à la protection, à l’accompagnement et à la reconstruction des victimes.

Mais les actions menées par le Département en faveur de la lutte contre les violences faites aux femmes ne se résument pas à cela :

- Huit associations ont d’ores et déjà bénéficié d’une subvention à hauteur de 178 400 euros.

- Le dispositif Téléphone Grave Danger (TGD) a été mis en place pour la première fois dans notre Département en 2015 avec un financement de notre collectivité. Il vise à lutter contre les violences au sein du couple après évaluation de la situation, accord de la personne et domiciliation séparée de l’agresseur.

- Dès 2001, les intervenants sociaux référent police gendarmerie ont été mis en place dans un travail collaboratif entre les services de l’Etat et le Département pour prendre en charge des situations de violences intrafamiliales complexes.

o En 2016, ce dispositif a permis de recevoir 1187 victimes de violences intrafamiliales, portées à 2989 concernées si l’on comptabilise les enfants.

o Il s’agit d’une première réponse en vérifiant que la prise en charge psychologique, sociale et juridique nécessaire au parcours de reconstruction de la victime est mise en place.

- La mise en place du réseau violences intrafamiliales (VIF) avec la participation des directeurs et directrices d’UTAS, les responsables de l’unité accompagnement social, les ISRPG et le CAPS, les actions s’orientent autour de trois objectifs : 
o Le développement de l’interconnaissance institutionnelle et le partage d’informations.
o L’accent sur le partenariat avec tous les professionnels concernés.
o L’accompagnement et le soutien des projets existants ou innovants qui visent à améliorer la prise en charge des victimes.

- De plus, le Département maintient son implication active dans l’animation des réseaux territorialisés de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes par l’organisation de journées thématiques.

- À titre expérimental, une mission d’ambassadeurs – ambassadrices a également été créée dans chaque groupement de CMS et diffuse désormais l’information sur le territoire de l’UTAS de Neufchâtel en Bray.

Vous l’avez compris chers collègues, le Département a déployé de nombreuses actions et décliné de nombreux dispositifs depuis plusieurs années, et notamment sous l’impulsion de notre collègue Nathalie LECORDIER, qui est, il faut le rappeler, la première Vice-Présidente de la Seine-Maritime nommée avec une délégation à l’égalité femme-homme et à la lutte contre les violences faites aux femmes.

Si tous ces dispositifs existent, et bien d’autres encore, ils sont parfois trop peu connus et les femmes – comme les hommes – victimes de violences ignorent leurs droits.

C’est un des rôles des élus, je dirais même, une de nos vocations de rendre accessibles les informations pour permettre de rompre l’isolement en engageant des démarches.

137 ! N’oubliez pas ce chiffre. Il représente près de deux fois notre hémicyle.

Je reviens donc à ma question du début : avons-nous besoin d’une journée, d’une date, d’un moment préciser pour lutter, se battre, défendre une cause qui nous est chère ?

La réponse est non, car il est impératif de combattre les violences autant dans nos paroles que dans nos actes au quotidien, car ces violences physiques, morales ou affectives sont toutes condamnables, mais encore trop souvent cachées, ignorées, gardées sous silence…

Il faut se battre, parce que comme l’écrivait Louis ARAGON « Le silence a le poids des larmes ».

Ces mots expriment aujourd’hui un devoir. 
Le devoir de casser ce silence, le devoir d’agir, le devoir d’apporter des réponses à un sujet grave… car les larmes sont celles de ces femmes – mais aussi des hommes et des enfants – qui souffrent et sont battus, parfois jusqu’à la mort. 

Alors, ensemble, brisons le silence !

Je vous remercie

 
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